Nous devons nous rappeler que le phénomène de la discipline interne est quelque chose qui doit être atteint, et non quelque chose de préexistant. Notre fonction est celle de guides sur le chemin de la discipline. (Montessori, 1924).
Au cours des dernières décennies, la manière dont les adultes répondent aux enfants en difficulté a considérablement évolué. Avez-vous déjà observé un parent réagir aux difficultés ou aux déceptions de son enfant avec un sentiment de gêne ou de culpabilité, comme s’il venait de le décevoir ? La réponse consiste souvent à sauver l’enfant de cette expérience au nom de l’aide qu’on lui apporte. Malheureusement, les parents ne sont pas les seuls à porter secours. Même les écoles sont tombées dans le piège qui consiste à protéger les enfants des défis ou des erreurs, de peur de passer pour des personnes indifférentes ou insensibles. Mais qu’est-ce qu’un enfant peut apprendre lorsque les adultes le protègent des difficultés, au nom de l’aide qu’ils lui apportent ?
On parle beaucoup aujourd’hui du renforcement de la résilience. Mais comment fait-on pour développer la résilience ? En luttant, et parfois en échouant. Échouer et lutter ne devraient pas être des gros mots. Nous commettons tous des erreurs, nous échouons tous. Les erreurs sont une occasion d’apprendre, et l’expérience et le dépassement de l’échec sont des éléments essentiels pour développer la résilience, l’empathie, la sagesse, les compétences en matière de résolution de problèmes, la créativité et le sens des capacités. Si les enfants ne reçoivent pas la dignité et le respect nécessaires pour lutter et échouer, nous leur volons la possibilité de se sentir victorieux lorsqu’ils réussissent. Trop souvent, les adultes interviennent et sauvent les enfants de la douleur et de l’inconfort causés par leurs actions. Lorsque nous volons la lutte, nous volons la victoire.
De nombreuses recherches indiquent que les enfants ont besoin de lutter pour mûrir et devenir des adultes forts, capables et résilients. Brock Bastian, auteur de The Other Side of Happiness, explique que la résilience se développe dans l’inconfort. Il défend l’idée que les défis tels que la douleur, la perte, l’échec et la déception renforcent la résilience et nous aident à être moins enclins à abandonner lorsque nous sommes confrontés à des défis futurs.63 Les conséquences naturelles aident les enfants à renforcer leur résilience, en particulier si les adultes les soutiennent en faisant preuve de gentillesse (amour) et de fermeté (responsabilité).
Parfois, la meilleure réponse consiste à laisser les choses se dérouler naturellement, sans interférence.
Les conséquences naturelles (à ne pas confondre avec les conséquences logiques) sont justement naturelles. Les conséquences naturelles se produisent d’elles-mêmes, sans l’intervention d’un adulte. Pour qu’un enseignant puisse « utiliser » une conséquence naturelle, il ne doit tout simplement rien faire (sauf offrir un peu de soutien émotionnel). Si l’adulte prend l’initiative d’une conséquence ou l’impose de quelque manière que ce soit, il ne s’agit pas d’une conséquence naturelle. Lorsqu’ils utilisent les conséquences naturelles, les enseignants laissent simplement la conséquence se dérouler, sans sermonner ni sauver l’enfant. Cela donne à l’enfant la possibilité d’expérimenter et d’apprendre de son erreur avec dignité et respect.
Ce n’est pas parce que nous laissons les enfants faire l’expérience de l’inconfort et de la déception liés à leurs erreurs que nous leur refusons notre soutien. Ce ne serait pas gentil. Les enfants ont besoin de se sentir soutenus lorsqu’ils commettent des erreurs. Les enseignants peuvent faire preuve de chaleur, de compréhension et d’empathie en posant des questions, en validant les sentiments et en résolvant les problèmes lorsqu’un enfant subit une conséquence naturelle. Voici quelques exemples de conséquences naturelles et de réactions de soutien de la part des adultes :
- Pierre laisse son manteau à l’intérieur. Il sort et a froid. Avoir froid est la conséquence naturelle. Son professeur pourrait lui dire : « Je suis désolé que vous ayez si froid. Que pouvez-vous faire pour être sûr d’avoir chaud lorsque vous sortez ? »
- Teresa oublie son déjeuner. À l’heure du déjeuner, elle a faim. Avoir faim est la conséquence naturelle. Son professeur pourrait répondre: « Oh non, vous devez avoir faim. Il y a du beurre de cacahuète et de la confiture dans le réfrigérateur si vous voulez vous faire un sandwich. »
- Fatima a manqué le bus scolaire parce qu’elle a mis trop de temps à se préparer. Elle est arrivée en retard à l’école et a manqué le spectacle. Manquer le spectacle était la conséquence naturelle. Son professeur pourrait dire: « On dirait que vous êtes vraiment triste d’avoir manqué le spectacle. Je suis désolée, vous devez être déçue ».
- Nicholas a oublié ses cartes de notes à la maison. Au moment de faire son exposé devant la classe, il n’était pas préparé. Il avait hâte de présenter ses recherches à la classe. Manquer la présentation était la conséquence naturelle. L’enseignant pourrait dire: « Je sais que vous étiez impatient de faire votre exposé aujourd’hui. Vous devez être déçu. Voulez-vous faire votre exposé jeudi ou lundi ? »
Remarquez que dans chacun de ces exemples, l’enseignant apporte son soutien et fait preuve d’empathie, mais ne sauve pas l’enfant et ne lui fait pas la morale pour son comportement. Il est tentant de sauver les enfants de leurs propres erreurs, surtout lorsqu’ils se sentent tristes. Mais le sauvetage est un manque de respect. Il enseigne aux enfants qu’ils sont impuissants et incapables de résoudre leurs problèmes et de trouver des solutions. En sauvant les enfants, on les prive de la possibilité de découvrir à quel point ils sont capables.
Il est également tentant de faire la morale ou d’imposer des conséquences après que l’enfant a subi une conséquence naturelle, surtout si le comportement de l’enfant est répétitif. Par exemple, lorsque Pierre oublie son manteau et se plaint d’avoir froid, l’enseignant peut dire : « Tu laisses toujours ton manteau à l’intérieur et tu te plains ensuite d’avoir froid. Vous pouvez aller la chercher cette fois-ci, mais si vous l’oubliez à nouveau, vous devrez aller au bureau jusqu “à ce que nous arrivions”. L’enseignant espérait qu’en menaçant d’une conséquence punitive et en ajoutant un “je vous l’avais bien dit” à la conséquence naturelle (le fait d’avoir froid), Pierre se souviendrait de mettre son manteau la prochaine fois. Il est plus probable que la menace et le sermon incitent Pierre à se sentir en colère, honteux et, peut-être, rebelle. La prochaine fois, il laissera son manteauà l’intérieur juste pour montrer à son professeur. Si l’enseignant avait fait preuve d’empathie à l » égard de Peter et lui avait simplement fait confiance, Peter aurait pu décider lui-même s’il voulait braver le froid ou trouver un moyen de résoudre le problème.
Suggestions pour l’utilisation des conséquences naturelles
- Prenez le temps d’enseigner. Assurez-vous que l’élève comprend ce que l’on attend de lui et comment l’accomplir.
- Veillez à ce que les conséquences soient sûres et adaptées au développement de l’enfant. Il est évident que laisser un enfant de trois ans souffrir de la faim parce qu’il a oublié son déjeuner est très différent de laisser un enfant de douze ans souffrir de la faim parce qu’il a oublié son déjeuner.
- Vérifiez auprès des parents qu’ils sont sur la même longueur d’onde. Les enseignants hésitent souvent à autoriser les conséquences naturelles parce qu’ils craignent que les parents de l’élève ne les jugent négligents. On ne sait jamais tant qu’on n’a pas posé la question, et c’est peut-être aussi une excellente occasion d’aider les parents.
- Veillez à ce que les Conséquences naturelles respectent tout le monde.
- Faites preuve d’empathie tout en permettant à l’enfant d’en subir les conséquences.
- N’utilisez les conséquences naturelles que si l’enfant s’investit dans le résultat. Si ce n’est pas le cas, essayez de résoudre le problème avec lui. Par exemple, la résolution de problèmes serait probablement une meilleure approche pour un enfant qui « oublie » son déjeuner dans la voiture afin de pouvoir manger les aliments qu’il préfère dans le réfrigérateur de la salle de classe.
Références
Montessori, M. (1924). De la discipline : Réflexions et conseils. L’appel de l’éducation, Volume 1. Numéros 3 et 4.
Brock, B. (2019). Le paradoxe de la résilience : pourquoi nous nous trompons souvent de résilience. Psychology Today.